A l’honneur ce mois-ci avec la campagne Octobre Rose, le rose est une couleur aux multiples nuances et messages; qu’on adore ou que l’on abhorre; et de nos jours encore hautement attribué à la “féminité”.
Mais en a-t-il vraiment toujours été ainsi ? Quelle a été la signification de cette couleur à travers les siècles ? Quelle place le rose a-t-il aujourd’hui dans notre société et dans la mode ? Enfin, qu’est ce qu’il peut nous apporter et comment le porter aujourd’hui ?
Je vous parle donc aujourd’hui du rose, couleur que j’affectionne particulièrement depuis quelques années, et qui m’accompagne au quotidien comme étendard de ma marque.
Mon sac banane Maxi en velours ras rose - Et celui de ma soeur en velours côtelé
Le Rose, une couleur genrée ?
Le rose aux petites filles ? A travers l’histoire, il n’en a pas toujours été ainsi, bien au contraire.
Pendant très longtemps, le rose a été considéré comme une “sous couleur” du rouge; lui-même considéré comme “masculin”. Autorité, force, pouvoir : c’est ce que ces couleurs exprimaient alors. Par ailleurs, le rose et le rouge étant des teintes alors difficiles à fixer sur les vêtements et aux prix très onéreux. Ils étaient donc uniquement portés par la noblesse, ce qui renforçait leur image de couleurs associées au pouvoir. Ainsi on retrouve dans de nombreuses peintures du Moyen-Âge et de la Renaissance, des nobles et notamment de rois vêtus d’habits roses.
Henri IV dit "en Mars" - Vers 1605-1606 - Jacob Bunel
A contrario, la couleur des femmes était… le bleu ! En effet celui-ci symbolisait la pureté incarnée par la Vierge Marie, vêtue de son manteau bleu.
Les enfants quant à eux étaient, indifféremment de leur genre, vêtus de blanc. On voit cependant parfois apparaître des rubans permettant de distinguer les deux genres : bleu pour les filles, rose pour les garçons.
Au XVIIIe siècle, Madame de Pompadour, maîtresse et conseillère de Louis XV, s’entiche du rose et le rend incontournable dans la cour du roi, pour les femmes comme pour les hommes.
Portrait de Madame de Pompadour - 1756 - François Boucher
Les hommes à cet époque, en tout cas à la cour, ont encore à leur disposition un éventail de couleurs immense dont ils se servent à outrance, agrémenté de mille accessoires (bas en soie, canne, perruque, grands chapeaux à plume, etc.). La mode masculine va cependant peu à peu perdre de ses couleurs et de son extravagance, pour se tourner vers des couleurs plus sombres et un style plus épuré.
A cette même époque, le rose perd de plus en plus son image de force et d’autorité pour devenir le symbole de l’amour et du romantisme.
De la fin du XIXe siècle jusqu’à 1930, la chimie des couleurs prend son essor et l’industrie du textile se développe rapidement. Ainsi, les vêtements en couleur, qui ne perdent plus leur éclat au lavage, se démocratise largement. On voit alors apparaître des grandes tendances : le rouge pour les femmes, le bleu pour les hommes; déclinés en rose pour les filles et en bleu ciel pour les garçons.
A la fin de la seconde guerre mondiale, le marketing s’empare du rose pour en faire la couleur des publicités visant les femmes au foyer. La mode suit le mouvement et cette couleur devient un étendard de la féminité. On peut penser par exemple à Marilyn Monroe dans les “Les hommes préfèrent les blondes” et sa robe rose devenue iconique et encore déclinée aujourd’hui.
Marilyn Monroe - Les hommes préfèrent les blondes - 1953
En 1980, c’est une évolution technologique qui finit de classer définitivement le rose comme une couleur réservée au sexe féminin. En effet, on peut alors, avant la naissance, découvrir le sexe du bébé à venir. Le capitalisme s’empare de cette opportunité pour faire vendre toujours plus : les articles de naissance seront de couleur différentes. Ainsi, si on a eu un garçon puis une fille, il devient impensable de réutiliser les mêmes accessoires; il faut tout racheter à nouveau. Evidemment, je ne vous fais pas un dessin sur quelle couleur est attribuée à quel genre.
La couleur rose est alors officiellement le symbole de la féminité, de la douceur, du romantisme… de la niaiserie ? Certain·es y voient le symbole même de la soumission de la femme, dans la contradiction qu’on lui impose sans cesse : le rose doit être un juste équilibre entre le blanc (et donc la pureté, l’innocence) et le rouge (l’amour, la sensualité, la provocation). Et être trop blanc ou trop rouge n’est jamais bon pour la femme. La couleur est alors fortement rejetée par les mouvements féministes. Parallèlement, elle devient de plus en plus exclue du vestiaire masculin. Porter du rose en tant qu’homme est vu alors comme la revendication d’une orientation sexuelle qui effraie la plupart des autres hommes. Alors le rose, soit on l’adore, soit on le déteste; et ce choix devient hautement politique.
Le rose retrouve cependant ces dernières années une place sur le devant de la scène en transformant radicalement son image :
il devient le symbole de luttes, notamment féministes, avec un rose Shocking symbole de puissance et d’émancipation.
il se transforme peu à peu en couleur non genrée, notamment avec l’arrivée du rose “Millennial Pink” en 2016 qui inonde la mode, féminine comme masculine, avec une image de jeunesse, d’audace, et d’ambition.
"Sea of Pink" du Pussyhat Projet en 2017 - crédit Voice of America - Brian Allen
Le rose et notre cerveau
Au delà des considérations sociétales qui ont fait évoluer la perception que l’on a du rose au cours des années et des siècles, le rose comme chaque couleur, semble avoir un impact spécifique sur notre cerveau.
Sans forcément pouvoir affirmer scientifiquement ces éléments - les études n’étant pas toutes en accord - on retrouve régulièrement les idées suivantes :
Le rose pâle est une couleur apaisante pour notre cerveau, pour se concentrer et faire baisser notre rythme cardiaque. Le rose “Baker-Miller” a notamment été créé en 1970 et utilisé dans le cadre d’une expérimentation où les murs du centre pénitentiaire de la marine à Seattle ont été repeints dans cette teinte de rose. Selon l'étude en question, les incidents violents auraient alors drastiquement diminués. Certaines marques se sont alors emparées de cette couleur pour leur magasin afin que les gens s’y sentent sereins; ou encore pour vendre des habits censés aider à la concentration.
Rose Baker-Miller aux propriétés prétendument apaisantes
Les roses plus intenses (et donc avec plus de rouge) comme le Magenta ou le Rose Shocking, sont plus énergisants et sources de créativité.
Porter ces couleurs influent alors sur la manière dont on nous perçoit. Nos cerveaux s’en font une image propre, intrinsèque à la couleur et riche de tout ce que la société nous en a appris.
Alors, comment porter le rose ?
De mon côté, je considère que la mode doit être instinctive et personnelle. Elle doit dépendre de nos envies et humeur du moment, du message que l'on souhaite véhiculer, de notre volonté de conformisme ou non, etc.
Cependant, on peut suivre quelques règles de base pour ne pas se tromper (mais libre à chacun·e de ne pas les suivre !) :
alliances de roses divers par leurs teintes (plus de blanc) et leurs tons (plus de noir).
contraste avec un blanc, beige ou gris clair; ou avec un noir profond.
contraste avec sa couleur complémentaire : le vert. Plus original et ça dégage une énergie folle ! Le mélange peut cependant être adouci selon les roses et les verts choisis.
et sinon, réhaussé par des touches d'or : magnifique !
Nuances de roses et vert dans la nature
La Canopée… de fleurs roses
A titre personnel, le rose ne m’a que très peu intéressé pendant de nombreuses années. En 2022 cependant, je passe quelques jours sur Paris et j’en profite pour écumer les musées sur la Mode. Je vais notamment au MAM, voir l’exposition temporaire sur Elsa Schiaparelli donc je connaissais peu le travail. C’est un véritable coup de cœur. J’adore son point de vue féminin mais féministe, excentrique et en avance sur son époque. Je suis conquise et j’en ressors amoureuse du "Shocking Pink".
Exposition temporaire "Shocking !" au MAM, Paris, 2022
Au moment de choisir les couleurs de ma marque, j’ai une seule conviction : ce rose sera présent. Je veux à travers ma marque revendiquer la nécessité d’intégrer des couleurs vives dans nos vies; et quoi de mieux que le rose Shocking qui est pour moi une couleur forte, revendicatrice, énergétique, intemporelle et pas forcément genrée. Elle a donc été la base de la gamme de couleur de la marque et les autres sont arrivées par complémentarité.
Logo de La Canopée Fleurie - créé par Gaëlle Inglebert
Et ainsi, parce que j’aime le rose et les tissus fleuris, cette couleur se retrouve donc souvent dans mes accessoires textiles upcyclés.
Et toi, quelle serait ta nuance de rose favorite ?
J'en ai le rose aux joues de cette belle lecture..
Excellent post ! Je n’étais pas du tout au courant de toutes ces subtilités sur le rose.
Hâte du prochain post 😍
Merci